Taxe de solidarité : La classe moyenne, parent pauvre des politiques publiques ?
La taxe de solidarité ou la contribution de solidarité, telle que nommée par le gouvernement, sera « infligée » aux personnes physiques dont le salaire net annuel est de 120.000 dirhams, soit 10.000 dirhams par mois, et les entreprises dont les bénéfices dépassent 5 millions de dirhams, c’est se qui ressort de la dernière mouture du PLF 2021. Une mesure qui a suscité l’ire des syndicats qui affichent leur mécontentement et disent « niet » à cette taxe.
Concrètement, cet impôt permettra au gouvernement de collecter 5 milliards de dirhams, à travers le prélèvement de 1,5% du revenu mensuel net pour les salariés qui perçoivent 10.000 dirhams net par mois et plus. Le montant sera prélevé à la source du bulletin de paie des fonctionnaires et des salariés. Lesdites sommes seront versées au « Fonds d’Appui à la Protection sociale et à la Cohésion Sociale ». Le but de cette réforme fiscale est de collecter les impôts imposés aux niveaux national et local sur les professionnels à faibles revenus, en une seule contribution professionnelle.
Maintenant, qui est concerné ? Selon nos confrères de Medias24, ils sont seulement 7% des salariés déclarés dans le privé qui touchent plus de 10.000 dirhams, soit 250.000 personnes, d’après les chiffres de l’année 2018. Quant au public, ces derniers constituent 33% du personnel civil de l’Administration, soit environ 186.000 personnes. Ce chiffre n’englobe pas les militaires, les employés des établissements publics et ceux des collectivités territoriales. En sommes, entre 420.000 à 500.000 personnes qui sont concernées par cette mesure fiscale.
Pour sa part, le ministre de l’Économie a tenté d’expliquer une telle mesure par « la consolidation du sens de solidarité renforcé lors de la crise sanitaire liée au Covid-19 ». L’objectif, selon le département des Finances, est de renforcer la confiance de cette catégorie des contribuables, en multipliant leurs chances de s’impliquer dans le secteur formel.
En réalité, c’est la classe moyenne qui va payer le gros de cette facture de solidarité. Décidément, cette catégorie au Maroc n’est pas au bout de ses peines. Alors que pendant le confinement, 113.000 entreprises avaient déclaré un arrêt temporaire de leur activité et plus de 700.000 salariés étaient concernés, dont la plupart issus de la classe moyenne. Au lieu d’alléger le fardeau fiscal sur cette classe et taxer le capital, on continue de leur mettre de la pression, alors qu’elle subit déjà de plein fouet l’impôt et les frais de scolarité et de santé. En revanche, ces gens se retrouvent doublement lésés par la nouvelle taxe et le régime fiscal, le tout prélevé à la source, sans aucune possibilité de flexibilité, à l’instar de celle garantie par le mode déclaratif.
Une « Injustice » fiscale flagrante
Cependant, les entreprises installées dans les zones d’accélération industrielles, ayant le statut CFC ou bénéficiant d’une exonération permanente de l’IS, ne sont pas concernées par cette contribution.
Toutefois, cette réforme n’a pas été accueillie à bras ouverts par les syndicats, qui considèrent que ce sont toujours les mêmes qui paient. Contacté par MAROC DIPLOMATIQUE, Abdelghani Raqi, syndicaliste de la CDT estime que « cette taxe est injuste, parce qu’elle ne concerne pas tout le monde. » « On est bien d’accord sur le principe d’institutionnaliser la solidarité, mais que celle-ci ne vise pas une couche vulnérable, alors que le capital continue à ne rien payer », nous dit-il, en rappelant qu’une proposition de loi a été déposée dans ce sens pour une réforme fiscale plus juste et équitable, il y a quelque temps, notamment, par la FGD. Mais, ces propositions ont été refusées. « Je ne suis qu’un simple fonctionnaire hors-échelle et je contribue à hauteur de 45.000 dirhams par an, alors certaines professions libérales, qui gagnent d’énormes sommes d’argent, ne déclarent pas leur revenu réel, et donc, ne paient pas autant », explique-t-il.
En revanche, que proposent ces syndicats ? « une taxe progressive sur la fortune », dans le sens où la contribution fiscale devrait être minimale, voire nulle au niveau des bas revenus, puis augmenter faiblement au niveau des tranches de revenus encore modestes ou moyens, et s’accentuer ensuite progressivement pour devenir relativement forte au niveau des tranches de revenus élevés, voire très élevés.
Par ailleurs, à moins d’un changement lors de sa discussion dans les deux chambres du Parlement (Chambre des Représentants et Chambre des Conseillers), cette réforme sera actée, une fois le projet de Loi de Finances 2021 approuvé à l’Hémicycle, tel qu’il a été exposé par le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun.